En écrivant ce texte, je me rend
compte du premier anniversaire de «Plus qu'un sport» mon blog. Pour
l'occasion je vous invite à aller voir mes anciens articles dont le
premier d'avril 2013 qui était une interview du président du
Montpellier handball Rémy Lévy.
Rentrons dans le vif du sujet de cet
article d'avril :
Le marathon est l'une des épreuves
mythiques des Jeux Olympiques. 42, 195 km de souffrance sur le
bitume, deux heures et quelques minutes à tenir, Vanderlei de Lima
sait tout ça. En quinze années de compétition avalées à grandes
enjambées, le petit athlète brésilien a déroulé ses foulées sur
toute la planète. Avec bonheur parfois, puisqu'il possède deux
titres aux Jeux panaméricains et des succès à Hambourg, Sao Paulo
et Tokyo. Mais là, dans la fin d'après-midi suffocante d'un
dimanche athénien, ce 29 août 2004, il n'a encore jamais connu
pareille situation. Après 36 kilomètres de course, il est en tête
du marathon olympique. 28 petites secondes d'avance sur l'Italien
Baldini, c'est la marge du rêve. Il a mis une saison à se préparer
au Brésil et en Bolivie pour l'objectif olympique. Son histoire est
en marche au rythme de ses foulées.
Quand il s'est élancé à 17h, depuis
la commune de Marathon et le site olympique où
le tout premier marathon de l'histoire des Jeux fut couru en 1896, il
est tout juste un outsider dans une course où le Kenyan Tergat et
l'Italien Baldini assument leurs statuts de favoris. 47e
à Atlanta, 75e
à Sydney, le CV olympique de de Lima, au dossard 1234, n'affole ni
chronos ni pronos.
Mais
aujourd'hui, dimanche, c'est lui le seigneur du jour. Oubliée la
légende rocambolesque, qui donne une solennité à cet événement,
du soldat Phidippidès parcourant la distance entre Marathon et
Athènes pour annoncer la victoire des Grecs sur les Perses. A la
hauteur de la statue du héros antique, à mi-parcours, de Lima n'a
pas un regard pour le soldat de bronze. C'est là qu'il place son
attaque pour chercher l'or et le voilà qui file, encouragé par une
foule massée de part et d'autre du parcours, il a surpri tout le
monde.
Maintenant,
il lui reste six kilomètres pour rejoindre en vainqueur le stade
Panathinaïkon, l'enceinte de marbre construite pour les J.O. de
1896.
Il
connaît l'arène pour être venu ici même aux Championnats du Monde
d'athlétisme en 1997 mais c'est dans l'anonymat qu'il avait fini la
course ce jour-là, à la 23e
place. Dans la moiteur étouffante de la capitale grecque, le
Brésilien sue, souffre, mais ne se retourne pas. Il suit la ligne
bleue tracée sur l'asphalte neuf de l'immense avenue du
centre-ville. Son avance sur les poursuivants fond lentement mais pas
sa détermination.
Courant
au milieu de la chaussée, accompagné d'un policier roulant sur un
VTT à côté de lui, Vanderlei ne pense qu'à sa course. C'est
pourquoi il ne voit pas accourir sur sa gauche un drôle
d'énergumène. Béret vert, kilt rouge, chaussettes vertes,
Cornélius Horan, un prêtre irlandais défroqué, a enjambé le
cordon de sécurité. Il ceinture de Lima et le pousse vers le
trottoir. Horan est un récidiviste : en 2003, il était entré sur
la piste du Grand Prix de F1 à Silverstone. Un geste fou qui lui
avait valu deux ans de prison. Horan, en quête de publicité, a
choisi le marathon olympique pour frapper, il porte sur le dos une
affiche manuscrite en anglais annonçant le retour de Jésus sur
terre. Le service d'ordre ne réagit pas, les spectateurs proches
sont plus prompts. Polyvios Kossivas, ancien joueur de basket
descendu chez lui pour voir passer les coureurs plaque Horan.
L'incident a duré quatorze secondes, une éternité. Tandis que la
sécurité emmène l'Irlandais, Vanderlei de Lima reprend sa route
aussi sereinement que possible.
Deux
kilomètres plus loin, fatigué et déconcentré, il est rattrapé
par Stefano Baldini et l'Américain Mebrahtom Keflezighi, les seuls à
s'être lancés à sa poursuite. Il reste moins de quatre kilomètres
à parcourir. La chance est passée, pas la gloire.
Quand
de Lima, distancé, entre bientôt à son tour dans l'arène, les 500
000 spectateurs lui réservent une incroyable ovation. Ils ont suivi
l'incident sur le grand écran du stade. Dans les derniers mètres,
le Brésilien, secoué par l'émotion, lève les bras, sautille,
salue, sourit. Au moment d'aller chercher sa médaille de bronze sur
le podium, c'est en héros qu'il est accueilli et dans les premières
réactions, avant toute amertume, il évoque juste son bonheur d'une
médaille olympique. Un modèle de fair-play.
Les
louanges et la condamnation de Cornélius Horan, dès le lendemain, à
un an de prison avec sursis, n'atténuent pas l'immense frustration
dans le clan brésilien. Une réclamation est déposée officiellement
pour demander l'attribution d'une deuxième médaille d'or pour de
Lima, refus du CIO. L'appel devant le tribunal arbitral du sport se
solde également par un échec. Mais le CIO décide de décerner au
Brésilien la médaille Pierre de Coubertin, une distinction rare qui
récompense la grande attitude fair-play de l'athlète.
De
Lima est accueilli en héros à son retour au Brésil. Son comité
olympique lui accorde la prime de victoire. A la fin de l'année
2004, il est élu sportif de l'année. Son «sauveur», Polyvios
Kossivas est même invité au Brésil où il est fait citoyen
d'honneur. En juillet 2005, Emanuel Rego, le volleyeur brésilien
champion olympique à Athènes, veut lui offrir très officiellement
sa médaille d'or lors d'une émission télé «C'est très gentil de
ta part» répond Valderei «Mais je ne peux pas l'accepter, la
médaille de bronze que j'ai gagné vaut largement de l'or».
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